Pour Gameblog, j’ai pu voir la série Fallout dans son intégralité en avant-première. Ayant découvert les jeux grâce à Fallout 3 en 2008, j’ai été rapidement infecté par un attachement radioactif envers ces derniers, qui sont plus que de simples « The Elder Scrolls à la sauce post-apo ». La licence Fallout s’est hissée 27 ans après la sortie du premier opus comme une référence du RPG grâce à son univers dystopique S.P.E.C.I.A.L., avec ses propres codes et thématiques. J’attendais donc la série d’Amazon avec une certaine curiosité (comme nombre d’estimés collègues et fans de la franchise). Après m’être cloîtré tout le week-end dans mon Abri pour la dévorer (deux fois) tel un Raider son steak de Radcafard, force est de constater que cette première saison m’a beaucoup plu. Il se pourrait même qu’elle puisse convaincre les non-initiés et leur donner par extension envie de découvrir les jeux. Laissez-moi vous en parler plus avant dans cette holobande compatible avec votre Pip-Boy 2024.

Une histoire originale vraiment canon dans l’univers de Fallout

Cela faisait partie intégrante de la communication autour de la série Fallout : son histoire originale s’inscrit dans le canon de l’univers des jeux. Un peu de contexte autour du lore de la franchise s’impose donc, surtout pour les néophytes. Fallout nous expose un futur dystopique où le monde a réussi à développer l’énergie nucléaire pour connaître un essor technologique fulgurant. Après la Seconde Guerre Mondiale et les tragédies qu’ont été Hiroshima et Nagasaki, l’humanité a connu un âge d’or sans précédent, mais est restée bloquée culturellement dans les années 50. 

Un peu plus d’un siècle plus tard, des pénuries de ressources ont toutefois ravivé de vieilles rancunes (l’équivalent de la Guerre Froide dans notre propre histoire) et les nations sont à nouveau entrées en conflit. Car la guerre… la guerre ne meurt jamais. En 2077, les choses ont pris fin de manière brutale sous la forme d’un holocauste nucléaire qui a ravagé le monde entier. Aux États-Unis, la société Vault-Tec avait préventivement construit plus d’une centaine d’abris anti-atomiques pour qu’une portion triée sur le volet du peuple américain survive à l’apocalypse. Ce afin de reconstruire le pays une fois les radiations retombées.

La série place ainsi son récit 219 ans après la chute des bombes, dans l’Abri 33, situé près de Los Angeles, en Californie. Elle se situe dans la chronologie des jeux quelques années après Fallout 3, 4 et New Vegas. À noter d’ailleurs que les deux premiers opus de la franchise, développés par Black Isle Studios et Interplay, sortis en 1997 et 1998, ainsi que New Vegas, développé par Obsidian Entertainment et sorti en 2010, se concentrent sur la côte ouest des États-Unis. Fallout 3 (2008) et 4 (2015) s’intéressent quant à eux à la côte est. La série a donc étonnamment davantage d’atomes crochus avec les jeux qui n’ont pas été développés par Bethesda même. Bien entendu, si vous êtes allergiques aux œuvres  américano-centrées, cette série n’est clairement pas faite pour vous. Vous voilà prévenus.

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Bienvenue dans cette vision télévisuelle post-apocalyptique de Los Angeles ! © Amazon Prime Video

Dans cet Abri 33, nous faisons la connaissance de Lucy MacLean, une jeune femme volontaire, douée dans de nombreux domaines et bercée par les valeurs américaines du monde d’avant. Elle a ainsi vécu une jeunesse privilégiée, inconsciente des dangers de la surface. Elle entretient également le doux rêve qu’un jour, elle et les autres résidents de l’Abri 33 sortiront pour rebâtir l’Amérique d’antan. Tout cela va cependant drastiquement changer. Elle sera en effet forcée de quitter prématurément son petit monde souterrain et sûr, investie d’une mission qui n’est pas sans rappeler celle de Fallout 3, pour les connaisseurs. 

Incarnée avec talent par Ella Purnell (Yellowjackets), Lucy est un habile choix de personnage pour concilier joueurs et néophytes de la franchise. Elle représente quelque part le résident d’Abri que nous créons au début de la plupart des jeux, et son innocence doublée à sa méconnaissance totale du monde extérieur correspondent idéalement au regard neuf des nouveaux venus. En ce sens, la série marque déjà des points pour plaire autant aux fans de la franchise vidéoludique qu'aux profanes. 

Série Fallout Lucy MacLean
Lucy MacLean, résidente de l'Abri 33, incarnée avec une exquise élégance par Ella Purnell. © Amazon Prime Video

Durant ses mésaventures dans les Terres Dévastées, elle croisera la route de Maximus. Il s’agit d’un jeune initié de la Confrérie de l’Acier, une faction emblématique de Fallout du fait de sa culture martiale techno-religieuse évoquant la Rome Antique, la chevalerie et une petite touche de l’Imperium de Warhammer 40,000. Comme elle, le personnage incarné par un Aaron Moten (Emancipation) convaincant est assez naïf, malgré le fait qu’il soit né à la surface. Il a toutefois eu une vie « relativement » décente au sein de la Confrérie, mais teintée d’un endoctrinement tendant un brin vers la xénophobie. À l’instar de Lucy, ses convictions et valeurs vis-à-vis de sa faction vont être grandement chamboulées au fil d’une mission qui rejoindra habilement celle de la jeune résidente d’Abri.

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Maximus, interprété par Aaron Moten, permet dans la série de représenter l'iconique Confrérie de l'Acier. © Amazon Prime Video

Cet intéressant duo sera complété par le troisième protagoniste principal de la série : la Goule. Dans l’univers de Fallout, les Goules sont des êtres humains qui ont été défigurés et ont muté à cause des radiations. En échange, ils disposent d’une longévité hors du commun. Leur cerveau peut cependant à tout moment être rongé par la radioactivité pour les faire passer à un état sauvage proche de celui des zombies. Ce cow-boy chasseur de primes aux sombres motivations se trouvera à la recherche d’une proie le mettant sur la route de Lucy et Maximus, pour quelques dollars (ou capsules de bouteilles Nuka Cola en l’occurrence) de plus. Il est incarné avec classe par Walton Goggins (The Hateful Eight). Il s’agit de loin du personnage le plus intrigant du trio, puisque c’est l’un des derniers vestiges vivants du monde d’avant l’apocalypse nucléaire.

Une série Fallout fidèle oui, mais avec un twist 

La série est chapeautée par les réalisateurs de Westworld, et cela se ressent. Non contente de nous proposer une histoire qui a légitimement sa place dans la chronologie de l’univers original imaginé par Interplay et Black Isle Studios, elle en profite aussi pour tirer quelques inspirations de leur œuvre précédente. Nous retrouvons en effet ici une connexion entre le présent post-apocalyptique de Fallout et le passé avant la chute des bombes, d’une manière rarement explorée dans les jeux.

Cela passe bien sûr par la Goule, qui nous évoque diablement l’Homme en Noir de Westworld. Cet être dorénavant monstrueux visiblement dépourvu de morale avait autrefois une famille qu’il aimait, des principes et des rêves. Une fois encore, la série pourra grâce à cet habile ressort narratif introduire intelligemment l’univers de Fallout aux néophytes, tout en offrant un point de vue neuf pour les habitués. 

Série Fallout Goule Prime Video
L'intrigante Goule est incarnée avec une classe monstrueuse par Walton Goggins. © Amazon Prime Video

De bout en bout, le scénario va donc nous présenter des temporalités différentes, sans que cela ne vienne semer véritablement la confusion chez le spectateur (contrairement à la saison 1 de The Witcher chez Netflix, en somme). Celles-ci sont en effet bien marquées entre un monde d’avant l’holocauste rutilant et son pendant présent dévasté. Le tout aboutit en une histoire plaisante à suivre. Chaque épisode joue par ailleurs un jeu d’équilibriste bien rythmé. On y alterne en effet avec beaucoup de justesse entre des scènes posées teintées de l’humour décalé propre à Fallout (mais peut-être un peu trop sage) et des scènes d’action savamment chorégraphiées et souvent bien gores comme on les aime. En tâche de fond, se trame enfin une vaste conspiration tout ce qu’il y a de plus fidèle à l’univers des jeux, tout en marquant une fois de plus sa filiation avec Westworld. L’exposition (aux radiations) se fait ainsi naturellement, sans devenir ronflante. Une belle prouesse, compte tenu de la complexité et de la richesse de l’œuvre originale.

On peut toutefois reprocher le fait que les personnages principaux aient tendance à se retrouver à plusieurs reprises de manière un peu trop providentielle, par le pouvoir du scénarium. Cela ne vient toutefois pas foncièrement gâcher le voyage en leur compagnie, grâce à un casting très solide. Outre les trois excellents acteurs principaux, nous avons en effet du beau monde comme Kyle MacLachlan (Twin Peaks), Sarita Choudhury (Homeland), Michael Emerson (Lost) ou encore Zach Cherry (Severance).

Fallout Série Lucy et son père
La série comporte de nombreux acteurs talentueux comme Kyle MacLachlan. © Amazon Prime Video

On dévore donc avec plaisir et avec presque aucune longueur les huit épisodes d’une cinquantaine de minutes en moyenne qui composent cette première saison de la série Fallout. On découvre, en même temps que ces personnages attachants et radicalement différents, quelles surprises se cachent dans les Terres Dévastées de Californie. On peut d’ailleurs en tirer un thème faisant office de fil rouge : les apparences sont souvent trompeuses. Ce qui de prime abord peut paraître monstrueux n’est pas forcément si mauvais, et inversement (comme dans The Witcher, en somme). Même les adeptes des jeux Fallout connaissant bien les ficelles de cet univers pourraient ainsi être surpris par certains plot-twists et révélations. Le show parvient donc globalement à nous tenir en haleine jusqu’à un épisode final qui nous apporte toutes les réponses nécessaires. Il en profite même pour laisser glisser de manière cohérente la porte (d’Abri) vers une seconde saison. La toute fin risque d'ailleurs de grandement exciter les fans de la licence. Vous nous en direz certainement des nouvelles.

Visions post-apocalyptiques radio-actives

Outre un solide scénario et un jeu d’acteurs impeccable, le travail sur l’aspect visuel et la photographie est globalement de très bonne facture. La série Fallout fait son possible pour afficher des décors réels. Ce afin de nous offrir des scènes convaincantes et parfois superbes dans leurs représentations passées comme présentes. Nous alternons agréablement entre Abris à la reproduction fidèle, villes de bric et de broc à la Mad Max, paysages où la nature a repris ses droits à la The Last of Us et vastes étendues aussi désertiques que désolées. Les scènes du passé affichent quant à elles une Amérique dystopique éclatante comme un astre à son apogée… juste avant une chute cataclysmique. On pourra ceci étant dit remarquer parfois des décors un brin « cheap », sans que cela ne nous sorte toutefois complètement du moment.

Série Fallout avis Prime Video
Les décors et la photographie de la série nous réservent de nombreux plans très convaincants. © Amazon Prime Video

Le même souci du détail et l’envie de coller le plus possible à l’univers Fallout se voit aussi dans les accessoires. Qu’il s’agisse du Pip-Boy ou des armures assistées, leur reconstitution s’avère crédible et de qualité. Certains lieux emblématiques des jeux semblent même être à s’y méprendre repris presque polygone pour polygone. Une forme de fan-service subtil, mais qui fait en tout cas plaisir à voir. 

Bien sûr, certains éléments ont fatalement dû être rendus en CGI pour ne pas faire trop tâche. On pensera notamment aux différents monstres comme les Radcafards, ou encore les robots tels que les inénarrables Mr Handy. On peut cependant critiquer un monde qu’on nous vend tout au long de la série comme effroyablement dangereux, mais qui se montre finalement assez dépeuplé, sauf quand cela sert l’intérêt du scénario. Les personnages principaux ne croiseront en effet que très sporadiquement des bandits de grand chemin ou des monstres. Sur ce point, les fans de The Last of Us se retrouveront en terrain connu par rapport à son adaptation produite par HBO. De même, les habitants de la surface paraissent bien trop « propres » pour des gens qui n’ont pas accès à une douche quotidienne (à moins d’aimer se laver avec de l’eau irradiée… quand il y a de l’eau tout court). Nonobstant ces incohérences de puriste, l’aspect visuel de la série est globalement réussi.

Série Fallout avis Prime Video monstre
On n'aurait quand même pas craché contre un peu plus d'action contre bandits et monstres. © Amazon Prime Video

Que dire en revanche de l’enrobage sonore ! Dès les premières secondes du premier épisode, les fans seront accueillis par un morceau issu de la bande-son légendaire des radios des jeux. Celle-ci viendra rythmer avec justesse une majeure partie des passages au fil de la série. On retrouve en effet The Ink Spots (oui, « I don’t Want to Set the World on Fire » est de la partie !), ou encore Johnny Cash, parmi tant d’autres références musicales de l’époque. S’agissant des compositions originales pour le bien de la série, celles-ci sont portées par des thèmes faisant sonner les envolées épiques propres à Ramin Djawadi (Game of Thrones). La fidélité de l’adaptation va enfin même jusqu’à la reprise exacte de bruitages issus des jeux. Ainsi, la série Fallout regorge de références qui donneront certainement le sourire aux initiés, mais sans que cela ne soit trop appuyé (on te voit, Ready Player One). Ce afin, une fois encore, de pouvoir plaire autant aux joueurs qu’aux nouveaux venus. 

La série Fallout est bien LA nouvelle bombe de Prime Video

En définitive, la série Fallout est à mon humble avis une œuvre convaincante qui s’inscrit totalement dans l’univers jusqu’alors principalement vidéoludique dont elle s’inspire avec fidélité. Elle a tout pour figurer parmi les plus solides adaptations de jeux vidéo de ces dernières années. La compétition est pourtant rude dans le domaine, entre Arcane: League of Legends, Cyberpunk: Edgerunners, les films Sonic et Super Mario Bros., ou encore The Last of Us. Jonathan Nolan et ses équipes ont en tout cas réussi la performance de proposer une série qui saura autant jouer sur la fibre nostalgique des fans que faire découvrir la franchise dystopique aux non-initiés d’une habile manière.

Qu’il s’agisse d’un scénario portant clairement une influence Westworld, d’un casting explosif ou d’un enrobage visuel et sonore irradiant l’amour du travail bien fait et la volonté de rendre hommage à la franchise iconique lancée en 1997, cette série est donc une franche réussite. Ce en dépit de quelques défauts scénaristiques et visuels heureusement pas rédhibitoires. Huit épisodes durant, j’ai alterné entre joie, rire, excitation, étonnement et effroi face à ce monde post-apocalyptique dévasté, mais follement attachant. N’est-ce pas finalement là tout ce que l’on demande d’une bonne série ? À tout cela, je n’ai donc que deux choses à adresser : un grand sourire et un pouce levé devant ce champignon atomique télévisuel. Je n’ai maintenant envie que d’une chose : relancer les jeux, en attendant de pied ferme Fallout 5 et la saison 2.